Cela fait plusieurs années que le Forum Transfrontalier a proposé de mettre la culture au service de la cohésion sociale et territoriale.
Dans un Cycle antérieur, nous avons montré que si l’identité transfrontalière n’existait pas, elle pouvait cependant se décliner en identités plurielles, comme variétés d’une même culture. Pourtant, aujourd’hui, nous assistons malheureusement à des tensions que suscitent les partis populistes, sans se préoccuper des fragiles équilibres qui se sont noués et sont l’avenir de l’Arc jurassien transfrontalier.
Dans le cadre de notre Cycle 10 consacré à la culture, nous nous posons la question de l’existence d’un imaginaire qui pourrait nous aider à créer les conditions d’une coopération transfrontalière renforcée. Puisque la réalité aurait plutôt tendance à exacerber les tensions, n’y aurait-il pas la place pour un imaginaire partagé ou à partager… Nous avons posé la question à un socio-anthropologue et la réponse est encore plus réjouissante que nous ne le pensions, laissant le champ des possibles largement ouvert, à nous, à vous de composer avec ces éléments de réponse.
« Les journaux parlent de tout, sauf du journalier. Les journaux m’ennuient, ils ne m’apprennent rien. (…) Ce qui se passe vraiment, ce que nous vivons, le reste, tout le reste, où est-il ? Ce qui se passe chaque jour et qui revient chaque jour, le banal, le quotidien, l’évident, le commun, l’ordinaire, le bruit de fond, l’habituel, comment en rendre compte, comment l’interroger, comment le décrire ? (…) Peut-être s’agit-il de fonder enfin notre propre anthropologie : celle qui parlera de nous, qui ira chercher en nous ce que nous avons si longtemps pillé chez les autres. Non plus l’exotique, mais l’endotique* ».
C’est ainsi que Georges Pérec ouvre son livre sur « L’infra-ordinaire ». C’est cet infra-ordinaire que le Forum Transfrontalier va débusquer pour montrer autrement l’espace transfrontalier.
Les travaux du Forum Transfrontalier sur le cycle 10 se sont poursuivis le 13 novembre. Les conditions sanitaires de part et d’autre de la frontière ont amené les membres du comité directeur à créer la première mosaïque de ce cycle 10 : celle de leurs visages rassemblés sur un écran par une application de visio-conférence. Cette modalité de travail, inhabituelle, n’a freiné ni leur inspiration ni leur capacité d’analyse. La mosaïque des « billets » publiée ce jour donne le ton du cycle 10 : construite à partir de regards croisés, elle montre des témoignages sensibles, pertinents et impertinents, qui disent l’ici et le maintenant.
Nous partageons avec nos lecteurs quelques points clés de notre avancement dans le cycle 10.
Le manifeste du cycle 9 nous invitait à ne pas nous focaliser sur les seules questions économiques en appréhendant les dimensions multiples de la valeur territoriale. Car cette valeur est aussi culturelle, sociale, environnementale. Nous avions conclu le manifeste par cette phrase : comment transformer la ligne en espace ?
Nous avons choisi de repartir de cette question pour construire les travaux du cycle 10. Toujours vigile et aiguillon, producteur de pensées originales et prospectives, comment le Forum Transfrontalier peut-il s’en emparer ?
Notre appel aux artistes a rencontré un accueil très favorable et nous pouvons aujourd’hui vous présenter deux sélections remarquables ! Nous avons lancé ce projet pour déplacer le discours sur la frontière vers des mises en perspectives au-delà de l’approche politique régionale. Les œuvres des artistes que nous proposons renferment en eux cette caractéristique paradoxale de tendre vers l’Universel en nommant le Concret[1].
Nous inaugurons la Galerie du Forum avec quinze travaux de quinze artistes issus d’horizons très divers. Ils utilisent des media tels que la photographie, la sculpture, l’installation, la peinture, la gravure, la vidéo ou la performance, pour exprimer de manière très singulière leur perception de ces autres frontières, selon le thème que nous avons ouvert le 26 mars dernier sur notre site internet. Nous avons retenu toutes les propositions qui ont réuni au moins une des voix du jury de sélection composé de trois personnes.
Où nous emmènent-t-elles ces « autres frontières » ?
Le monde est UN, qu’il s’agisse du rêve ou de la vie courante. Un plasma et un magma. Les frontières n’existent que pour les cœurs timides, mesquins et pauvres.
Cendrars n’emploie jamais le mot « frontière », il dit longitude, latitude. Il s’informe du climat, de la nature du sol, de la nourriture..
Blaise Cendrars, Henry Miller, 1951 (extrait)
le collectif ch présente MAIS LA DANSE DU PAYSAGE _ Performance vidéosonique au Musée des beaux-arts de La Chaux-de-Fonds, 04.01.2015
Présentation de Frédéric-Jacques Temple. Dessins d’Olivier Jung.
Cendrars est le minerai brut dont sont faits les métaux les plus rares. Il peut proférer les plus abominables mensonges et demeurer absolument véridique. (…) Dans tous ses livres, Cendrars apparaît comme un homme qui, après s’être penché sur le sol, se relève, serrant, dans sa bonne main gauche, une poignée de terre. Et dans tous ses livres, il nous étreint, semble-t-il, de son bras mutilé où le sang court toujours, rouge et chaud.
Après un sommeil de plus de soixante ans, voici, comme neuf, l’hymne jubilant qu’Henry Miller a consacré en 1951 à Blaise Cendrars, pour lui exprimer son affectueuse admiration. C’était également une façon de le remercier d’avoir été le premier à saluer Tropique du Cancer, en janvier 1935, dans la revue Orbes. Cet hommage à Cendrars («l’homme que j’ai estimé le plus»), exubérant comme un écrit d’adolescent, et d’une orgueilleuse humilité, Henry Miller l’avait annoncé à son ami en 1950 dans une lettre en français : «Je me suis laissé aller à une rhapsodie ou louanges sans restreinte sur vous ou vos œuvres». Quand Cendrars reçut le livre, il exprima son émotion et ajouta : «Moi, ce qui me réjouit, c’est de me trouver avec vous sous la même couverture, comme si l’on faisait une bonne blague aux copains». Frédéric-Jacques Temple, ami de Cendrars et de Miller, évoque brièvement cette amitié en préface.
2013 ‒ 80 pages ‒ 14 x 22 cm ‒ ISBN 978.2.85194.883.0
500 exemplaires sur vélin de La Chaux-de-Fonds.
€ 14.- chez Fata Morgana / CHF 23.80 chez PAYOT lien sur www.payot.ch
…il nous est impossible de nous isoler, d’isoler nos relations et notre communication de la rationalité instrumentale qui est celle du capital et des médias. Elle nous a déjà enveloppés, contaminés. S’il existe une possibilité de rédemption éthique, elle ne peut se construire qu’à l’intérieur du système.