Horaires : | Accueil à 13h00, puis de 13h30 à 17h30, réception à 18h00 au MBAL |
Organisateur : | Forum Transfrontalier en partenariat avec la Ville du Locle |
Hôte : | Ville du Locle |
Direction : | Walter Tschopp, historien de l’art |
LE DOUBS EN REPRÉSENTATION
Il ne suffit plus, aujourd’hui, de se référer à des images artistiques ou des évocations littéraires romantiques du paysage fluvial étonnant du Doubs. La réalité est complexe et les différents acteurs peuvent considérablement diverger dans leur appréciation. Les pêcheurs ne voient pas la même chose que les géographes, les artistes traitent plutôt des plus beaux coins, les industriels doivent exploiter la force hydraulique alors que les touristes souhaitent traverser des contrées idylliques. Et quid des photos que le citoyen baladeur a pour habitude de fixer dans son smartphone ?
Dans une approche critique et transdisciplinaire, nous allons faire vivre ces différents points de vue dans le but de contribuer modestement à renforcer l’identité de cette région transfrontalière pour laquelle le Doubs est en même temps frontière et terre nourricière.
PROGRAMME
13.00 Accueil
13.30 Le Doubs dans la littérature du XIXe au XXIe siècle
Par Daniel Sangsue, professeur de littérature française moderne à l’Université de Neuchâtel
L’exposé sera illustré de textes significatifs lus par un comédien.
Les fleuves et les rivières ont donné lieu à une belle littérature qu’on pourrait appeler du fil de l’eau : qu’on pense au Rhin de Victor Hugo, à Danube de Claudio Magris, aux Eaux étroites de Julien Gracq et plus récemment à Remonter la Marne de Jean-Paul Kauffmann. Si le Doubs n’a pas – ou pas encore — rencontré son Hugo ou son Gracq, il a néanmoins suscité des pages littéraires tout à fait remarquables, que l’on se propose d’explorer à travers un corpus français et suisse romand qui va du dix-neuvième au vingt-et-unième siècle.
Le Doubs n’apparaît que ponctuellement dans la littérature du XIXe siècle. Il est présent dans le journal d’Andersen, dans les récits de voyage de Nodier, Depping, Fée et Xavier Marmier, mais seulement au niveau de sa chute, le fameux Saut-du-Doubs, qui satisfait le goût romantique pour le sublime et le pittoresque (on parle alors de « cascade sublime »). Le reste de son cours, peu accessible, n’est guère traité que par l’abbé Sérasset (L’Abeille du Jura) et, sur un mode humoristique, par Valérie de Gasparin (Les Prouesses de la Bande du Jura). Cependant, dans le domaine de la fiction, le Doubs sert de décor au prestigieux Rouge et le Noir de Stendhal, ainsi qu’à une nouvelle de Richepin. Il est au centre d’un intéressant roman de Pierre César, Au Moulin de la Mort. Après avoir montré comment la rivière gagne progressivement son statut d’objet littéraire, on s’interrogera sur les raisons pour lesquelles elle sert de cadre à ces fictions.
Au XXe siècle, la littérature dubisienne coule à flot. Suite à l’essor du tourisme (paradoxalement lié à l’exploitation industrielle de la rivière) et à la prise de conscience du patrimoine (fragile) qu’il constitue, le Doubs inspire des études historiques, scientifiques, mais aussi des livres qui célèbrent ses beautés : monographies illustrées de Louis Loze, André Beucler, Paul Jubin, Robert Fernier, Jean-Marie Nussbaum, etc. On s’intéressera aux topoï et à la rhétorique de ces ouvrages. De nombreuses fictions apparaissent, développant souvent un imaginaire funèbre autour du Doubs et de ses eaux dormantes (Jean-Paul Zimmermann, Jean Haldimann, Marcel Aymé). Le Doubs est également lié à l’intime et au secret (Georges Piroué, Monique Saint-Hélier, Pierre Chappuis) ; au ressourcement et à la réflexivité (Jean-Pierre Monnier, Jean-Paul Pellaton, Bertrand Degott). Il donne lieu aussi à des récits plus souriants (Louis Pergaud, Alexandre Voisard, Ernest Mignatte).
Ce parcours littéraire du Doubs ne tentera pas seulement de formuler une esthétique ou une poétique, il interrogera aussi le génie du lieu, la spécificité historico-géographique d’une rivière qui est à la fois frontière et passage, ainsi que les rapports particuliers qui se sont noués avec ses riverains et ses voyageurs. L’approche relèvera donc à la fois de l’histoire littéraire, de l’histoire culturelle et de l’histoire des sensibilités.
15.00 Le Doubs des peintres, du XVIIe siècle à aujourd’hui
Par Walter Tschopp, historien de l’art, ancien conservateur au Musée d’art et d’histoire de Neuchâtel
Dans son traité du paysage, le philosophe français Alain Roger considère que ce sont les peintres, dès l’apparition de vues paysagères reconnaissables au 15ème siècle, qui nous ont permis de percevoir ce que nous appelons aujourd’hui « paysage ». Nous interrogerons donc les peintres du paysage fluvial du Doubs, du 17ème siècle à aujourd’hui, pour en connaitre la vision et l’éventuelle influence sur notre manière de voir cette région.
Si la Loue tient son grand peintre, Gustave Courbet, le Doubs tient les siens : pour le 19ème siècle Carl Schuch (1846 – 1903), peintre autrichien célèbre de Vienne qui a séjourné pendant sept ans au bord Du Doubs, de 1886 à 1893, produisant des images impressionnantes et enchanteresses, pourtant parfaitement inconnues chez nous. Pour le 20ème, siècle Charles L’Eplattenier (1874 -1946) n’a cessé de chanter le Doubs pendant 40 ans, de ses premières évocations en 1906 à ses vues de 1946. Et Robert Fernier (1897 – 1977) s’est penché à son tour de très nombreuses fois sur le Doubs, du lac Saint-Point à St-Ursanne et au-delà.
Avant, pendant et après cette période, d’innombrables peintres sont allés séjourner au bord du Doubs, à commencer par Adam François Van der Meulen (1632 – 1690), peintre du roi, qui dépeint le Doubs en rapport avec le siège de Besançon par Louis XIV en 1674 et le passage de celui-ci à Pontarlier. Puis, du 18ème siècle à aujourd’hui, Baudoins, Ducros, Huguenin-Lassauguette, Lory, Courbet, Isenbart, Fanart, Maire, Frölicher, Roz, Kaiser, Laithier, Reguin, Poupon, Broders, Bruni, Bouroult, Charigny, Barraud, Dessouslavy, Boillat, Robert, Sandoz, Villard, Bichet, Botton, Coghuf, Schnyder, Spinnler, Perregaux s’expriment, ainsi que de nombreux photographes parmi lesquels nous ne mentionnons ici que les plus récents, Olivier Fatton et Thomas Brasey.
Nous présenterons des œuvres de tous ces artistes.
Mais le Doubs frontière comporte aussi un nombre important de lieux qui n’ont pas attiré l’intérêt des artistes et que nous présenterons brièvement avec un portfolio photographique. Car entre Villers-le-lac et St-Ursanne, le paysage fluvial du Doubs est avant tout un canyon, en partie peu accessible et secret. Cette inaccessibilité expliquerait-elle, pourquoi l’image du Doubs est si partielle ? Et cela empêcherait ce paysage fluvial de contribuer à une identité commune, de part et d’autre de la frontière ?
De toute façon, « le paysage est une construction de nos têtes » (Lucius Burckhardt). Mais si c’est une construction, celle-ci peut changer.
15.45 Pause café/boissons fraîches
16.15 Le Doubs des géographes.
Par Catherine Caille-Cattin, maître de conférence en géographie à l’Université de Besançon
Les géographes ont représenté les paysages dans leurs traités depuis le 19ème siècle. Leurs nouvelles recherches permettent d’en comprendre les différents aspects paysagers dans nos deux régions de la Franche Comté et du Jura suisse. C’est actuellement une des spécialités de l’Atelier Théma de l’Université de Besançon. Catherine Caille-Cattin nous en montrera de nouveaux aspects dans sa conférence :
Que disent les prises de vue du citoyen-touriste sur l’intégration du paysage fluvial du Doubs dans son territoire ?
Des supports d’information et de communication paysagères sont utilisés à différentes étapes dans le processus de conception du projet territorial (phases d’information, d’élaboration, de communication, …). Ces supports en tant qu’outils de médiation, participent au bon déroulement du travail participatif entre acteurs territoriaux jusqu’à la production du projet. Ils servent aussi d’outil communicationnel pour la mise valeur du projet lui-même auprès de la population concernée. Le choix de l’iconographie paysagère mise à disposition des différents acteurs apparaît donc comme déterminant dans l’accès à la connaissance du territoire et de ses enjeux paysagers sous-jacents. Comment le paysage est-il alors sollicité pour faire émerger un projet commun et partagé au sein d’un territoire ?
La communication exposera l’étude en cours actuellement dans le Pays horloger, et interrogera la question de la représentation du Doubs sur ce territoire.
17.00 Le Doubs des citoyens. Un film-enquête
Par Marylise Saillard, journaliste, Pontarlier
Denis Maurer, vidéaste, Colombier
Une production du Forum transfrontalier
Comment les habitants de part et d’autre de la rivière, de Mouthe à St-Hyppolite en passant par Villers-le-Lac et Les Brenets, vivent-ils le Doubs-frontière ? Quel est leur rapport à ce magnifique paysage fluvial, lieu de loisirs pour certains, de travail pour d’autres ? Du mystère de cette rivière aux péripéties douanières, de sorties en bateau aux pêcheurs dépités, la journaliste Marylise Saillard est allée à la rencontre de ceux qui consomment le Doubs d’une façon ou d’une autre, pour connaitre leurs sentiments et leur vécu. Le vidéaste et enseignant Denis Maurer a filmé ces entretiens parfois poignants et a monté un film qui nous apprend bien des choses sur ce cours d’eau aux facettes multiples dépassant la traditionnelle image de carte postale largement diffusée. Il y est question de ce capitaine, constructeur de bateaux, qui navigue sur ce que les uns appellent lac de Chaillexon alors que pour les autres, c’est le lac des Brenets. On y découvre cette famille qui se promène le dimanche jusqu’au Saut du Doubs avec ses enfants. On y croise ces pêcheurs en colère qui en ont marre des poissons morts, victimes de la pollution. Le Doubs, c’est un monde très différent selon les personnes concernées. Leur donner la parole équivaut à accepter d’entendre des propos qui vont parfois au-delà des clichés idylliques.
17.30 Déplacement au Musée des beaux-arts, rue Marie-Anne Calame 6
17.45 Apéro riche au Musée. Présence et brève allocution par le Conseiller communal M. Miguel Perez, directeur de la culture
18.30 Fin de la manifestation